J’ai été diagnostiquée à l’âge de 17 mois après une biopsie. Tout a commencé lorsqu’un matin mes parents m’ont retrouvée avec le genou droit gonflé, rouge et bloqué. Il n’y a pas eu de signe avant-coureur si ce n’est que je dormais beaucoup. Je n’ai pas souvenance de la douleur de cette période mais elle est devenue une vieille amie qui ne m’a plus jamais quittée à partir de mes 3 ans, lors d’une atteinte à la cheville gauche. Je me souviens d’une sensation de lourdeur et de compression au niveau de mon articulation. J’ai suivi une scolarité comme tous les autres enfants mais avec des difficultés car je manquais de concentration et j’étais très fatiguée. A l’époque, on ne connaissait pas très bien cette maladie chez les enfants donc on ne faisait pas de lien entre la douleur et ces phénomènes.
A mon sens, y a 3 sortes de douleurs : celle directement liée à la maladie, la douleur induite par les soins et la douleur psychologique.
La douleur de la maladie n’est pas très objective car depuis ma tendre enfance, j’ai toujours vécu avec elle, envahissant mon corps et mon esprit l’a banalisée ; j’ai effectivement du mal à exprimer mon ressenti (brûlure, lancement, picotement etc…) et à quantifier sur la fameuse échelle d’évaluation de la douleur… C’est très perturbant pour moi. Quand j’allais (et je vais) chez le rhumatologue ou quand j’avais (ou j’ai) une crise actuellement, mon ressenti n’est jamais correct par rapport aux analyses de sang ! J’ai mal bien sûr, mais étant bien entraînée, c’est supportable… Je n’aurais jamais pu expliquer réellement ce que procure la polyarthrite rhumatoïde au niveau de la douleur avant d’avoir mes enfants. Pendant mes grossesses (2 espacées de seulement 1 an), je n’ai plus eu aucune douleur puisque les hormones de grossesse avaient effacé toute trace de la maladie. Étrangement, un phénomène de manque est apparu : j’étais heureuse de devenir maman mais il manquait quelque chose « dans ma vie », cette douleur installée, habituelle, était devenue un état normal pour moi. Quand la maladie a refait surface, j’ai compris ce que douleur signifiait ! Lancinante jour et nuit et une sensation de lourdeur... A cause de cette douleur, on ne peut pas faire ce que l’on veut (tâches ménagères, s’occuper des enfants…). Maintenant quand une personne me dit « tu as une polyarthrite, qu’est-ce que tu dois avoir mal ! », je suis capable de dire « oui, ça fait mal et c’est handicapant ». C’est aussi pour ça que j’ai intégré l’ANDAR, je me sens plus apte à écouter et aider les autres maintenant que j’ai réussi à bien intégrer et accepter que la douleur fait partie intégrante de ma maladie.
La douleur provoquée par les soins est pour moi une souffrance marquante, c’est pour ça que je tenais à faire une réelle différence entre la douleur en général et cette douleur spécifique. Lors de mes fréquents rendez-vous chez la rhumatologue quand j’étais enfant, j’ai un souvenir atroce car tous les deux mois j’avais une ponction- infiltration dans la cheville et ça durant 2 années. Cette douleur je m’en souviens et je peux en parler. Elle est oppressante et brûle comme si on faisait un barbecue dans ma cheville. J’ai beaucoup souffert de ça petite et même encore maintenant. Quand je dois avoir une intervention (ponction – infiltration) je dois toujours regarder les aiguilles et seringues pour me canaliser afin que cette douleur soit plus douce et que j’arrive à prendre sur moi. Je supporte la douleur sans problème mais dès que l’on me fait un geste, c’est comme si la douleur se concentrait pour ressurgir tout d’un coup.
La douleur psychologique est souvent liée à la maladie et surtout à notre entourage. Depuis petite, mes parents, ma famille et les soignants m’ont conditionnée en me répétant « allez, tu es forte ! », « tu as eu pire », « il y en a d’autres qui souffrent plus », « ne pleure pas, ça ne sert à rien »… J’ai compris que j’avais une douleur psychologique qui me vient de l’enfance qui remonte à la surface depuis peu. Je sais bien qu’ils ne voulaient pas me blesser mais maintenant je garde tout pour moi et la douleur est telle que je me sens triste et seule même si je suis bien entourée. Cette douleur est vraiment sournoise et très difficile à vivre.
En conclusion, la douleur en général est celle de la maladie car elle est bien présente dans notre vie. Malheureusement, lorsque l’on a une maladie chronique que ce soit bébé, enfant, adulte ou sénior, elle est perçue de différentes manières pour chaque personne et surtout n’est pas toujours comprise pas ceux qui ne sont pas atteints dans leur corps. La douleur des soins ne doit pas être négligée car c’est une réalité à ajouter à notre fardeau de malade. Il ne faut pas surtout pas oublier la douleur psychologique car elle est bien réelle et n’est pas anodine car elle joue un rôle essentiel à notre vie et notre bien-être.